Villes, départements, région: tout ce qui va changer RÉFORME TERRITORIALE. Votée cette semaine, cette loi révolutionne toutes les élections locales, que ce soit au niveau de la commune, du département ou de la région. Conséquence, les élus seront moins nombreux. La réforme des collectivités territoriales a été définitivement adoptée cette semaine à l’Assemblée nationale, par 258 voix pour et 219 voix contre, après plus d’un an de débat. Ce projet qui doit permettre, selon le gouvernement, de « simplifier et d’alléger nos institutions locales », a été très critiqué par la gauche mais aussi par bon nombre d’élus du centre et de la droite, notamment au Sénat. Le texte finalement approuvé a été un peu modifié par rapport à celui présenté en octobre 2009 par Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur. Voici concrètement ce qui va changer pour les villes, les départements et les régions. Un même élu pour la région et le département. C’est la principale nouveauté : la création du conseiller territorial qui remplace le conseiller général (élu lors des élections cantonales) et le conseiller régional (élu lors des élections régionales). Il siégera à la fois dans l’assemblée départementale et au conseil régional (sauf ceux de Paris qui ne seront qu’à la région). Du coup, il y aura moins d’élus : 3485 contre 6000 actuellement pour la France. L’Ile-de-France aura 308 conseillers territoriaux, au lieu de 506 conseillers régionaux et généraux (voir le tableau). Ils seront élus tous les six ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours sur des cantons qui seront agrandis. Chaque candidat devra se présenter avec un suppléant, obligatoirement du sexe opposé. La proportionnelle, qui permettait à des partis petits ou moyens d’avoir des élus à la région, disparaît. Les premiers conseillers territoriaux seront élus en 2014. Cela implique que les conseillers généraux élus en mars prochain ne siégeront que trois ans au lieu de six. Une nouvelle répartition des compétences. Si la commune peut continuer à traiter de tous les sujets, il n’en sera pas de même pour le département et la région. C’est la fin de la « clause de compétence générale » pour ces deux collectivités. Actuellement, par exemple, les départements s’occupent des collèges, les régions des lycées et de la formation professionnelle, mais sur de nombreux projets, les subventions départementales, régionales (mais aussi de l’Etat ou de l’Europe) s’additionnent, ce qui, selon le gouvernement, complique les dossiers. A partir du 1er janvier 2015, chacun aura ses domaines d’exclusivité (qui restent à définir). Exceptions : le tourisme, la culture et le sport, qui restent une « compétence partagée ». Les délégués des intercommunalités élus au suffrage universel. Ce point de la réforme est le seul à avoir fait quasiment l’unanimité à gauche comme à droite. Désormais, les délégués qui siègent dans les communautés de communes ou d’agglomération ne seront plus désignés au sein des conseils municipaux mais élus directement lors des municipales. Les électeurs ne voteront qu’une seule fois pour une liste, sachant que les élus en tête de la liste siégeront au conseil municipal et au conseil communautaire, les suivants uniquement au conseil municipal. A noter que le scrutin par liste devient obligatoire pour toutes les communes à partir de 500 habitants (et non plus 3500). BLANDINE SEIGLE
98 députés en moins |
Départements | Population | À partir de 2014 | Actuellement |
Conseillers territoriaux | Conseillers généraux | Conseillers régionaux |
Paris (75)* | 2 215 197 | 55 | - | 41 |
Seine et Marne (77) | 1 310 646 | 35 | 43 | 24 |
Yvelines (78) | 1 429 610 | 37 | 39 | 28 |
Essonne (91) | 1 201 994 | 33 | 42 | 24 |
Hauts-de-Seine (92) | 1 561 261 | 41 | 45 | 29 |
Seine-Saint-Denis (93) | 1 515 963 | 39 | 40 | 19 |
Val-de-Marne (94) | 1 315 279 | 35 | 49 | 24 |
Val-d’Oise (95) | 1 176 466 | 33 | 39 | 20 |
Total Île-de-France | 11 726 416 | 308 | 297 | 209 |
506 |
* À Paris, les conseillers généraux sont aussi conseillers municipaux. |
Où vont s’asseoir les nouveaux élus ? Les plaisantins imaginent déjà Cécile Duflot s’asseoir sur les genoux de Jean-Vincent Placé et Valérie Pécresse sur ceux de Roger Karoutchi. Mais le sujet est pourtant très sérieux, d’autant qu’il risque de coûter cher aux contribuables. C’est le paradoxe de la réforme : il y aura globalement moins d’élus, mais ils seront plus nombreux à siéger au conseil régional. Et avec bientôt 308 conseillers territoriaux contre 209 conseillers régionaux actuellement, l’hémicycle de la rue de Babylone (Paris VIIe) n’est plus assez grand. «Impossible d’y mettre cent élus de plus, même en réduisant la largeur des sièges», sourit-on à la région. Dans d’autres régions, la situation est encore plus périlleuse : le conseil régional d’Aquitaine va passer de 85 à 211 élus et plusieurs assemblées régionales voient leurs effectifs doubler. Alain Rousset, le président PS de l’Association des régions de France, estime entre 600 et 800millions d’euros les investissements nécessaires, qui peuvent aller jusqu’à la reconstruction pure et simple de l’assemblée régionale. Car l’hémicycle n’est pas seul en cause, il faudra aussi trouver des salles de réunion, des bureaux, des secrétaires... Dire que la réflexion est engagée au conseil régional d’Île-de-France pour être prêt en 2014 serait excessif. Malgré des locaux très dispersés, le prix du foncier très élevé à Paris et la difficulté de trouver l’espace idéal restent des handicaps de taille. L’actuel président, Jean-Paul Huchon, n’y croit d’ailleurs pas : « Ce sera la première loi supprimée si la gauche arrive au pouvoir en 2012 .Mais, de toute façon, cette réforme est inapplicable, que ce soit par la gauche ou par la droite.» J.-P.V. |